Le constat : La crise sanitaire a notamment permis de faire un point sur les garanties pertes d’exploitation et de mettre en lumière les clauses d’exclusion de la garantie perte d’exploitation
Suite aux nombreuses réclamations des restaurateurs, et la médiatisation de leur action, certains assureurs ont pris la décision stratégique de transiger la quasi-totalité des dossiers litigieux afin de diminuer l’impact de ces dossiers sur leur image.
Les agents généraux ayant placé les risques chez ces assureurs ont donc été en charge de transmettre les propositions d’indemnisation à leurs clients.
Malgré la volonté de transiger un maximum de dossiers, plusieurs centaines d’assurés ont maintenu leur demande en justice.
Parmi les assureurs les plus concernés par les contestations de leurs clauses, AXA a été la Compagnie la plus exposée. Les autres assureurs ont été globalement moins impactés par l’interprétation de leurs contrats, de sorte que seuls quelques arrêts isolés ont pu concerner MMA, les ACM ou encore ALLIANZ.
En effet, beaucoup d’entreprises se pensaient correctement couvertes en cas de perte d’exploitation.
Or la pratique a bien montré que rares étaient les garanties effectivement mobilisables lors de la survenance d’une pandémie.
Les contrats permettant la couverture de l’événement étaient notamment ceux garantissant les pertes d’exploitation quelle qu’en soit la cause et ne comportant aucune exclusion du risque pandémique.
De nombreuses procédures ont été engagées devant les Tribunaux afin de faire jouer la garantie Perte d’exploitation des polices d’assurance.
Ces litiges ont principalement porté sur l’interprétation des clauses d’exclusion de garantie qui pouvaient être libellées comme suit :
« Sont exclues : les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire [de référence] que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
Les compagnies ont appliqué cette clause d’exclusion en faisant valoir que la mesure de fermeture administrative, à savoir les mesures de confinement, avait joué pour plusieurs établissements sur le même territoire, donnant lieu à l’application de la clause d’exclusion.
Les constats du côté des tribunaux
À ce jour, et grâce au recul dont nous disposons, il peut être affirmé que les tribunaux de première instance, statuant au fond et en référé, ont en majorité statué en faveur des assurés.Concernant les arrêts rendus par les Cour d’appel, le constat est moins flagrant, les décisions étant rendues alternativement en faveur des assurés ou des assureurs.
Ainsi, nous pouvons citer les quatre arrêts rendus par le Cour d’appel d’Aix-en-Provence (du 25/02/2021, n°20/10357, du 29/06/2021, n°21/00366 et du 20/05/2021 n°20/13305 et n°20/08317), l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes (du 16/06/2021 n°20/04816) ou encore celui de la Cour d’appel de Toulouse (du 29/06/21, n°20/02301), ayant retenu que l’exclusion de garantie n’était pas applicable et condamnant l’assureur à indemniser les pertes d’exploitation subies.
À l’inverse, la Cour d’appel de Bordeaux (du 07/06/2021 n°20/04363) a jugé que l’exclusion de garantie trouvait à s’appliquer.
La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, n’a pas encore eu l’opportunité de se prononcer sur l’appréciation de ces dispositions contractuelles.
Il sera relevé qu’à ce jour, la politique de transaction des dossiers litigieux a produit ses effets, rendant les décisions rendues sur ces contrats plus rares.
Pour certains, vous avez été obligé de présenter les avenants « Anti-Covid » imposés aux assurés par votre compagnie mandante :
Le soutien et l’accompagnement des intermédiaires en assurance auprès des assurés au cours de ces deux dernières années se sont particulièrement intensifiés. Ces avenants « anti-covid » ont été froidement accueillis par les intermédiaires en assurance qui ont été obligés d’annoncer ces nouvelles dispositions aux assurés. La position des intermédiaires en assurance a été particulièrement délicate. En effet, ils n’ont eu d’autres choix que transmettre les décisions de modification des stipulations contractuelles décidées par leur mandante.
Sous la pression des réassureurs, et sur recommandation de l’ACPR, la très grande majorité des compagnies d’assurance ont soumis des avenants aux contrats contenant des exclusions de garantie en cas de pandémie et/ou de Covid-19, avant le renouvellement annuel des contrats.
Le but premier de ces avenants était d’éviter que les garanties qui avaient éventuellement pu être mobilisées ne puissent à nouveau l’être pour les vagues de pandémie à venir. Afin d’être valablement opposables aux assurés, le consentement des assurés à cette modification unilatérale devait nécessairement être recueilli[1].
[1] Article L.112-3 al 5 du Code des assurances : « Toute addition ou modification au contrat d'assurance primitive doit être constatée par un avenant signé des parties ».
En cas de refus de signature des avenants par les assurés, le contrat était systématiquement sanctionné par la résiliation du contrat lors du renouvellement annuel de celui-ci. L’ensemble des compagnies ayant intégré les nouvelles stipulations dans leurs polices d’assurance 2021, les assurés se retrouvaient quoi qu’il en soit soumis à ces nouvelles dispositions.
Devoir d’information d’autant plus important que souvent d’autres modifications contractuelles sont également passées inaperçues telles que des exclusions de garantie non liées à la situation sanitaire portant généralement sur les risques sociaux (mouvement populaire, émeute), le risque cyber ou encore les contrats Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux (RCMS).
Notons également que ces avenants ont eu une place dans les débats présentés soumis aux tribunaux.
En effet, les assurés ont soulevé le fait que si les compagnies mettaient en place de nouveaux avenants excluant le risque de pandémie, cela signifiait, par une interprétation a contrario, que les contrats n’excluaient pas ce risque avant l’intervention de cette exclusion expresse.
A titre d’exemple, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a pu retenir que :
« Suite à l’épidémie de Covid-19 la SA AXA France IARD a formalisé un avenant au contrat (…) aux termes duquel figure une clause d’exclusion des pertes d’exploitation pour cause d’épidémie, de pandémie et d’épizootie, en définissant clairement ces trois termes, démontrant ainsi que la notion d’épidémie n’était pas jusque-là suffisamment claire et précise » (Arrêts n°21/00366 , n°20/13305 et n°20/08317).
A l’inverse, la Cour d’appel de Bordeaux a précisé que :
« En outre, il doit être observé qu’une proposition d’avenant, tel celui produit par l’appelante, ne saurait ici modifier la situation contractuelle soumise à la cour, et ne saurait constituer un quelconque aveu d’inopposabilité du contrat initial, dès lors notamment que l’assureur expose qu’il est en lien avec une évolution de la position des réassureurs sur la couverture d’un risque lié à une épidémie » (n°20/04363).
Ces avenants ont donc joué un rôle important dans les débats assurantiels.
Les assurés peuvent-ils encore agir en justice pour obtenir l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation des suites du premier confinement ?
Le délai de prescription applicable en droit des assurances est de deux ans à compter de l’événement qui donne naissance au sinistre[1].
2.Article L. 114-1 du Code des assurances : « Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance
L’événement ayant donné naissance aux pertes d’exploitation de nombreux professionnels est constitué par la fermeture administrative de divers établissements accueillant du public (restaurants, salles de sports, cinéma, …)[2].
3 Instauré par les dispositions de l’arrêté du 15 mars 2020.
Ce décret étant entré en vigueur au jour de sa publication au Journal Officiel, soit au 16 mars 2020.
La prescription des actions en indemnisation relative aux pertes d’exploitation liées au premier confinement s’est donc prescrite au 16 mars 2022 !
Petite précision toutefois, cette prescription a pu faire l’objet d’une interruption, par exemple en cas d’envoi d’un courrier recommandé à l’assureur concernant le règlement de l’indemnité ou d’une éventuelle désignation d’un expert pour chiffrer les pertes d’exploitation (Article L. 114-2 Code des assurances).